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Paysage intérieur, autoportrait - 1985 - Béatrice Réfievna - Huile et glycéro sur toile 90 /115 cm



Antoine FORISSIER (Firminy 1922 - Rome 1996) Antoine a une place particulière dans mon coeur. Il est le premier a avoir cru en moi. Je garde précieusement les lettres d'encouragement qu'il m'écrivait, ainsi que les beaux souvenirs de nos rencontres et de nos discussions qui s'envolaient en tous sens. En 1988, il m'offrit ce beau texte :


    J'avais vu le tableau à fond noir il y a deux ans. Il m'avait d'autant plus intéressé que j'étais loin d'attendre de Béatrice une production de ce genre. Il m'apparait maintenant comme le premier d'une série où s'est affirmé davantage son tempérament d'artiste.

    Je me souviens du commentaire synthétique que je lui avais proposé: "Eh! bien, la vie n'est pas facile, mais il semble qu'on ne désespère pas !"
Je ne savais pas quels étaient ses démêlés personnels avec l'existence, mais ce que j'avais sous les yeux faisait penser aux premiers Van Gogh et aux derniers Goya. Le noir s'étalait avec violence, non pas une tache immense qui eût tout recouvert (Béatrice ne donne pas dans ces facilités), mais une profusion de coups de traits, d'à-plats, jetés en cinq vagues successives, avec les complicités que vous imaginez du côté du gris-bleu et du gris-vert.

L'oeil en quête de figuratif qui interrogeait ce noir et ces gris croyait y reconnaître les couleurs de la mer, des môles, des digues et des terres quand on regarde un port à contre-couchant, une demi-heure après le coucher du soleil. En tout cas, si ce souvenir existait, il n'avait pas résisté à la dévastation: la poésie des ports était résolument écartée.

    Mais il y avait trois réalités très humbles qui échappaient aux ravages. Quelques taches jaunes ne voulaient pas qu'on les confonde obligatoirement avec l'oxydation du gris-bleu et du gris-vert. La purée de pois qui servait de ciel au tableau semblait rêver d'une éclaircie sur le côté droit. Et surtout, sous les griffes noires, il subsistait cette mer de gris pâle qui paraissait vivre d'une vie personnelle, humblement peut-être, discrètement, mais avec décision, persévérance, comme une sécurité de qui se sent plus fort que la nuit qui l'entoure. Ce battement de vie, souligné par certaines veinules qui apparaissaient déjà, devait en fin de compte être le vainqueur et animer les toiles qui allaient suivre et se rencontrer dans les expositions.
Antoine Forissier
 Septembre 1988