Badinage - 1986, Huile et mixte sur toile

... mais qui connait le coeur de la mer?
1986 - Huile et mixte sur toile


Oiseaux noirs - Réfievna

Oiseaux noirs - 1986 - Huile et mixte sur toile




Portrait intérieur de Marie-Laure - 1985 - Huile et mixte sur toile



Froidure - 1987 - Huile et mixte sur toile



Baiser de lune - 1988 - Huile et glycéro sur toile




Poussières d'étoiles - 1986 - Huile et mixte sur toile




Lianes de Vie ou la Vie est une spirale infinie 
1988
- Huile et mixte sur toile




Sable du désert, mirages et ciel de plomb
1987
- Huile et mixte sur toile





Tourbillon - 1987 - Huile et mixte sur toile





Icare - 1985 - Huile et mixte sur toile
   
Exposition - Smith's gallery of Covent Garden
Septembre 1988

Voici une libre interprétation de Antoine Forissier  face à ma peinture.

   
Trois des onze tableaux de l'exposition de Londres me paraissent être des "études", au sens qu'on donne à ce mot dans les "études" de Chopin ou de Liszt, c'est-à-dire des pièces consacrées à un élément de technique qui fait à lui seul l'objet d'un développement brillant.

     La première de ces études serait le réseau de nervures à dominante jaune : coulées de matière qui se croisent, se replient sur elle-même ou s'étalent librement; elles apparaissent dans tous les tableaux comme un jeu de veines et d'artères, soulignant la consistance de chair vivante que l'artiste donne à la base matérielle de toutes ses toiles.





   La deuxième, à dominante rouge, utilise toute sa surface pour exprimer que la texture des choses et des apparences est infiniment plus complexe qu'on ne le pense. Plus qu'à l'impressionnisme, cette analyse fait penser aux portraits de Rembrandt : la méditation et la pensée profonde qui se lisent sur les visages ne sont pas suggérées seulement par le traitement du regard, mais par celui des réalités riches qui entourent les yeux (peau du visage, velours, fourrures, lourdes étoffes, ornements de cuivre et autre métal. Tout se trouve chargé d'une vie propre et insoupçonnée.
Le contrepoint des rouges, des oranges et des ocres qui anime la toile de Béatrice, la complexité même qui se rencontre à l'intérieur de chacune de ses couleurs avec granulations, traits ou nuances, tout cela produit une vie intense et indéfinie. La science le dit. Il y a des regards qui y sont plus sensibles que d'autres.





    La toile à dominante jaune et bleu n'est pas à proprement parler une étude. C'est une pièce particulièrement virtuose, mais elle me paraît illustrer mieux que d'autres le troisième élément propre de cette série de peintures : le conflit.
Conflit et non pas simple jeu de contrastes. Le conflit psychologique, le conflit plus fondamental entre les pesanteurs, les agressions de la vie, et ce que tout être porte en lui d'espérance. Vous me direz que j'interprète des "Rorscharchs", je répondrai que toute oeuvre est pour une part un test de projection. Tant pis si certaines oeuvres qui se réclament d'un purisme de l'art, ne projettent parfois que du vide. Ce n'est pas le cas ici. La lumière du jaune a pris vraiment possession de la personne, elle a su y intégrer en les respectant, certaines tâches noires de son passé, les veines et les artères de sa vitalité la protègent sans ostentation des autres vagues noires qui peuvent venir. Son seul regard d'ailleurs les fait virer au bleu.


Cinq des huit autres toiles de l'exposition comportent des sphères, un oeuf, des mondes. Ne pensez pas nécessairement à la réalité cosmique, mais au monde d'une oeuvre d'art, d'un tableau, d'un poème, d'un rêve auquel on tient, d'un sentiment qu'on veut préserver, ou même du monde d'une vie, si vous n'excluez pas la fibre métaphysique. Toutes reprennent à leur compte, chacune à sa manière, les trois éléments déjà présentés.

    "Le portrait intérieur de Marie-Laure" évoquerait plus facilement le thème d'une vie. La symbolique de l'oeuf ou de l'ovale s'y prête bien. Ce qu'il y a de négatif dans la vie semble emprisonner toutes les possibilités d'essor, mais il est visible que la partie est déjà gagnée. Les noirs là encore, virent au bleu et au vert, les rosés n'y feront rien, le vert va laisser se déployer des plages de jaunes et de lumière, et l'oeuf promesse de vie, verrouillé sur la gauche, va jaillir sur la droite en se libérant de tout ce qui voudrait l'attacher. Génèse de liberté et d'espérance.



    La toile "Froidure" intrigue davantage. Ce n'est plus le noir qui symbolise l'hostilité mais un froid sidéral rehaussé d'argent. Cosmogonie très libre! La matière antérieure est tissée de richesses, mais c'est une volonté extérieure qui en fait une réalité nouvelle, cette sphère, ce monde marqué de rouge et de vie, promis à un autre destin. La création humaine est souvent laborieuse, mais ses objets ne se réduisent pas à ce qui était avant eux. L'esprit ajoute et transfigure.









    La disque lumineux suggère une autre création : celle de l'intuition claire, de l'inspiration lumineuse et immédiate. On a su construire avec effort au-dessus de soi un ciel de haute culture, avec obscurités subtiles et transparences, et tout d'un coup, sans avertir, se fait jour la lumière. Le petit ciel explose et il y a du sang sur les déchirures.













    Sur la toile à fond roux, seule une petite sphère bleue est en train de se former. Quatre autres, ici et là, n'ont pu y parvenir. Géométries arbitraires et gressives, corps trop lourds et trop raides, cendres répandues de toutes parts : les obstacles ne manquent pas. La force de l'esprit fait naître malgré tout le petit monde bleu et transforme en oeuvre d'art tout ce qui s'opposait.









    "Lianes de vie" est au contraire la fête. Les cendres et les poussières peuvent bien se glisser partout, elles ne parviennent pas à ensevelir les lianes de la vie et les spirales de bonheur qui se développent l'une après l'autre autour d'elle. Et, comme il est normal, les petits mondes se multiplient sur le passage : si trois ne sortent guère encore du bleu de leur naissance, quatre sont déjà aux couleurs de la lumière et commencent à éclairer les autres.










    Sable du désert, mirages et ciel de plomb: Si vous voulez, autre variante du vieux conflit : l'effort de vie qui cherche à transformer la terre, le même esprit qui voudrait découvrir la vérité du ciel.









   Et ce gouffre à l'oeil bleu qui vous attire? - Cascade de couleurs, mouvement irrésistible. Abîme et perdition? - Peut-être pas...  Le bleu de Béatrice parle d'espoir. Au fond des gouffres d'Aladin il y a souvent un mystère heureux.


 


 




    Reste Icare. Vous pourriez le lire de deux manières. D'abord comme une belle miniature persane : un idéogramme d'initiation sur parchemin damasquiné. Mais les autres toiles et le titre imposent la deuxième lecture : c'est un envol.
Le fond de la toile est l'un des plus précieux de la série : à la texture chargée de vie se superposent cette fois comme des forêts de légende et des lueurs dorées. Le signe d'or et de patine qui représente Icare illumine dans son ascension les ténèbres où il passe.

Cette dernière toile me paraît caractéristique du monde esthétique de Béatrice. Les catégories d'abstrait et de figuratif lui sont étrangères. C'est un monde de poésie intense qui ne se contente pas d'associations heureuses de lignes et de couleurs.

C'est le monde d'une femme attentive comme telle, a tout ce qui est vie, et soucieuse de faire apparaître jusque dans la trame et le fond de ses toiles, l'abondance et la richesse de cette vie.

C'est un monde où les symboliques d'aujourd'hui (l'univers, les réseaux complexes de l'électronique, les analyses biologiques, etc.) se trouvent convoquées et évoquées pour exprimer les réalités les plus hautes de la même vie, celles qui correspondent aux affrontements fondamentaux, aux raisons de vivre, à l'espoir et à l'espérance.


Antoine Forissier
Septembre 1988
 
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